Le dernier numéro de L'épaulette, la revue des officiers de France issus du recrutement direct consacre un dossier spécial à l'intelligence économique. On y retrouve un article de présentation sur l'IE, les dix commandements du SGDN et un article du Général de Corps d'Armée Roland Gilles sur "l'intelligence écononomique territoriale et la gendarmerie". Le Général Gilles est actuellement Major Général de la gendarmerie, il a mis en place le dispositif matériel de la gendarmerie en matière d'intelligence économique alors qu'il était chef de cabinet du Directeur général.
Il présente l'intelligence économique territoriale comme un outil de sécurité économique. Selon lui, l'IE à donné une impulsion favorisant une "prise de conscience générale au sein des adminsitrations, une nécessité de décloisonnement, d'aniticipation, de circulation de l'information voire de la connaissance, bref, d'une meilleur gestion de l'information". Apres revenir sur une définition de l'IE qui "a donné à l'Etat, après l'entreprise, une capacité en termes de méthodes et techniques pour être plus éfficace", l'auteur positionne le rôle de la gendarmerie, "forcément concernée par la problématique de l'intelligence économique (...) en raison de sa mission de protection des biens et des personnes (...) aussi et peut être surtout parce qu'elle doit dépasser ses schémas territoriaux d'antan pour se concentrer sur la gestion des flux et de l'espace". Ainsi selon le Général Gilles, la gendarmerie est concernée par le volet défensif de l'intelligence économqiue térritoriale", une fois définie omme étant la compréhension fine du fonctionnement d'un territoire.
Plus que concerné, mon Général, la gendarmerie est impliqué dans ce dispositif. N'est-ca pas elle qui a reçu mission avec les CCI d'organiser le rôle de l'état en matière d'IE sur le territoire au sein de mission IE régionale ? Et pour la différence entre le fait d'être impliqué et concerné, je vous renvoie vers le célèbre adage : "Dans l'oeuf au bacon, la poule est concernée et le cochon est impliqué !"
François JEANNE-BEYLOT
Bonjour!
Sachez que l'intelligence économique est le fer de lance de l'action de la gendarmerie en Nord - Pas de Calais. Si je partage votre avis, sachez qu' en Nord - Pas de Calais nous autres gendarmes sommes - particulièrement- actifs. Nous avons un site que je vous invite à visiter :www.nouvellesmenaces.eu.
Nous organisons des manifestations de sensibilisation et proposons des formations.
Ci-dessous un article commis il y a déjà 2 ans mais toujours d'actualité concernant l'action de la gendarmerie.
Bien à vous
LCL Régis FOHRER
Chargé de mission IE
L’intelligence économique territoriale : au cœur de la fonction protection.
Une stratégie1 pour l’adaptation de la gendarmerie aux nouveaux défis du XXIème siècle.
« La guerre est un conflit de grands intérêts réglé par le sang et c’est seulement en cela qu’elle diffère des autres conflits. Il vaudrait mieux la comparer, plutôt qu’à un art quelconque, au commerce qui est aussi un conflit d’intérêts et d’activités humaines » Carl von Clausewitz, 1832, De la guerre, page 145.
« L’ère de la sécurité économique active est là » déclarait le 01 septembre 2005 Monsieur Alain JUILLET, chargé de l’intelligence économique auprès du Premier ministre2. En effet, sans état de guerre économique déclarée dans un monde où la concurrence et la compétition prévalent, l’Etat se doit de veiller à la sécurité et au développement des entreprises. Ces dernières, productrices de richesse et véritables forces vives de la Nation, sont désormais la cible de toutes les convoitises y compris celles des délinquants en tout genre. Ainsi, la gendarmerie se doit-elle de s’orienter vers la sensibilisation des entreprises implantées dans ses zones de compétences et le renseignement économique. Tel est l’enjeu du concept d’intelligence économique territoriale qui trouve son origine dans le monde anglo-saxon pour lequel intelligence signifie renseignement. La langue et la spécificité françaises nous autorisent à considérer l’origine latine de ce terme, intellegere, qui signifie comprendre. L’enjeu pour le gendarme réside en sa capacité à comprendre et à s’intégrer à son environnement pour devenir un acteur efficace du développement territorial, sans surcroît de travail et dans le cadre de ses missions quotidiennes.
Défense économique, intelligences économique et territoriale.
Le contexte global : la fin des contraintes géographiques.
Le phénomène de globalisation – terme préféré à celui de mondialisation, traduction un peu trop hâtive d’une expression anglo-saxonne – est une réalité engendrée par le développement de l’ensemble des réseaux facilitant la communication et les échanges dans une société occidentale où la liberté prévaut. Il conduit à une remise en cause globale de certaines conceptions qui reposaient jusqu’alors sur un concept de territorialité maintenant jugé comme suranné. L’instantanéité prime désormais, la proximité est réelle et absolue et, bien souvent, il n’y a plus d’autre « frontière » que celle représentée par l’écran de l’ordinateur et l’automobiliste européen ne peut être stoppé dans ses voyages que par les barrières de péage. Les liens sociaux, économiques et culturels s’organisent durablement autour de ces « facilitateurs » d’échanges. Toutes les forces vives de notre pays sont concernées par ce phénomène et se doivent de le prendre en compte. Pour autant, la notion de territoire conserve toute sa pertinence. Plus qu’hier, il est devenu le théâtre du développement mais également le terrain de toutes les déviances. De nouvelles exigences s’imposent aux acteurs institutionnels et privés du développement du territoire.
Intelligence économique ou intelligence territoriale ?
La sphère marchande semble avoir été la plus prompte à se saisir de l’opportunité offerte par la globalisation pour accroître ses profits et contrôler la concurrence grâce notamment aux formidables possibilités offertes par les nouvelles « autoroutes électroniques de l’information ». Ainsi est née la notion d’intelligence économique. La circulaire du 14 février 2002 relative à la défense économique3 donne la première définition4 officielle de la notion d’intelligence économique. Michaël ZARTARIAN dans la revue « Centraliens » du mois de novembre 1998 donne de l’intelligence économique une définition plus pragmatique: « […] l’intelligence économique a trois grandes vocations : maîtrise et protection du patrimoine scientifique, technologique et concurrentiel de l’entreprise - détection des menaces et opportunités que l’entreprise peut affronter - constitution de stratégies d’influences au service de l’entreprise. Il s’agit d’un processus en continu, permanent et heuristique, dont l’objectif général est d’améliorer la compétitivité de l’entreprise en lui donnant les moyens de connaître et comprendre son environnement pour éclairer ses décisions. » Ainsi, le développement économique ne peut se concevoir logiquement sans l’exploitation de réseaux territoriaux de compétences et d’intérêts qui aideront l’entreprise à mieux percevoir son environnement et ses dangers. Le fonctionnement de l’Etat français repose toujours sur une organisation territoriale de ses représentations et services qui s’imposent comme des acteurs du développement du territoire relevant de leurs compétences. Le partage d’expériences et de compétences indispensable au développement économique, et par conséquent territorial, se concrétise dans le concept d’intelligence territoriale qui apparaît donc comme le corollaire de l’intelligence économique. Une définition pertinente de l’intelligence territoriale pose cette dernière comme « l’organisation innovante, mutualisée et en réseau, de l’ensemble des informations et connaissances utiles au développement, à la compétitivité, à l’attractivité d’un territoire, collectivement et pour chacun de ses acteurs »5.
Selon Monsieur le préfet PAUTRAT, ancien vice-président exécutif de l’agence pour la diffusion de l’information technologique (ADIT)6 et actuel président du conseil d’administration de l’Institut d’études et de recherches pour la sécurité des entreprises (IERSE), les concepts d’intelligence économique (IE) et d’intelligence territoriale (IT) relèvent plus d’un état d’esprit que d’une science. Ils procèdent d’une volonté commune pour que s’instaure une complicité active entre les forces vives de notre pays et que s’agrègent les compétences autour de projets communs pour oeuvrer davantage en faveur du développement de notre pays. Outre s’impliquer dans le domaine de la sécurité économique pour lequel il n’existe aucune doctrine, l’Etat doit retrouver sa dimension prospective d’ « Etat stratège » et affirmer un courage politique réel pour rompre avec la tradition d’une fonction publique écrasante symbole de contrôles et de sanctions. Les administrations et services de l’Etat doivent participer activement au développement d’une économie viable et à la réforme de l’Etat.
Le territoire devient, de fait, le théâtre de l’union des ressources humaines au service de la performance de l’Etat et des entreprises. La gendarmerie nationale doit s’intégrer dans cette synergie. Elle en possède la légitimité, les capacités et les moyens7.
Une « force humaine » au service du territoire et des entreprises.
Une force armée originale.
« Force militaire et permanente de sécurité, polyvalente, présente sur tout le territoire. »8, la gendarmerie occupe une place particulière dans l’appareil de défense français. Sans négliger les missions de service public des autres armées, la gendarmerie apporte la contribution majeure du ministère de la défense à la sécurité intérieure en assurant conjointement avec la police nationale, la protection des populations au quotidien, le maintien et le rétablissement de l’ordre public. La gendarmerie se distingue toutefois de la police nationale par son rôle de force de continuité. La combinaison de son caractère militaire et de ses missions de police favorise le continuum9 entre la période normale et le temps de crise, voire de guerre10. Grâce à son implantation territoriale, sa composition, ses moyens juridiques, elle rend possible une transition entre l’intervention des forces de police et celles des forces armées dont elle retarde l’engagement, geste irréversible à la lourde signification politique.
Sans revenir sur toutes les missions qui lui sont dévolues, il convient de rappeler quelques éléments essentiels nécessaires à la compréhension du positionnement actuel de la gendarmerie et le rôle qu’elle se doit de jouer dans le domaine de la sécurité économique.
Une légitimité issue de la Révolution française, de l’ordonnance du 07 janvier 1959 et du Livre blanc sur la défense de 1994.
Depuis sa création en 1791, la gendarmerie est « une force instituée pour veiller à la sûreté publique et pour assurer le maintien de l’ordre et l’exécution des lois. Une surveillance continue et répressive constitue l’essence de son service. Son action s’exerce sur toute l’étendue du territoire, quel qu’il soit, ainsi qu’aux armées. Elle est particulièrement destinée à la sûreté des campagnes et des voies de communication11 ». Faisant partie intégrante des forces armées12, présente sur tout le territoire national grâce à un maillage dense de ses unités, elle participe ainsi activement à trois des quatre fonctions stratégiques définis par le Livre blanc sur la défense de 1994 : les fonctions protection, prévention et projection-action13.
Incluse désormais dans le Code de la défense, l’ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation de la défense nationale est le premier texte fondamental qui conçoive la défense de manière permanente et globale. Non seulement militaire, elle est aussi civile et économique. Force armée, la gendarmerie apporte sa contribution à la défense militaire. Elle est aussi l’un des principaux acteurs de la défense civile. Comme le souligne le Livre blanc, « les mutations du système international affectant la défense ne se limitent pas aux seuls aspects militaires et stratégiques. Elles concernent la vie de la nation dans son ensemble. Tout le champ social, l’existence quotidienne des populations et l’activité économique peuvent être affectés par ce contexte mouvant et incertain. » Les missions militaires, de police administrative et de police judiciaire conduisent toutes les unités de la gendarmerie à connaître quotidiennement de ces domaines.
Une exception française.
La gendarmerie constitue pour beaucoup d’observateurs la clé de l’exception latine dans la capacité de régulation des crises de tout niveau et de toute ampleur ainsi que dans la capacité de préserver les liens sociaux. Les Etats qui ne disposent pas d’une « force intermédiaire » ne bénéficient pas d’une telle souplesse dans l’emploi des moyens de maintien et de rétablissement de l’ordre. Ainsi, le Royaume –Uni a dû avoir recours à l’armée pour faire face aux événements d’Irlande du Nord. En 1992 à Los Angeles, les Etats-Unis ont opposé aux émeutiers des troupes de la Garde nationale, unité militaire non rompue aux techniques de maintien de l’ordre14. L’intervention de l’armée israélienne contre « l’Intifada » offre un autre exemple du décalage entre la menace et les moyens pouvant être utilisés. La gendarmerie mobile par sa culture militaire, ses tenues et équipements variés est particulièrement adaptée et entraînée à la gestion des troubles en situation très dégradée. Face aux attroupements sur la voie publique, les policiers et gendarmes sont confrontés à des adversaires et non à des ennemis. Ils appliquent, dans le cadre du droit commun, des principes de stricte gradation dans les réponses apportées, pour éviter toute escalade.
Un régime dérogatoire.
Plus qu’un héritage de l’Histoire et qu’une option, le statut militaire dont relève la gendarmerie nationale se justifie pleinement au regard des missions spécifiques accomplies en temps normal comme en période de crise. Ce statut est fortement dérogatoire par rapport au statut de la fonction publique, notamment en raison des règles de disponibilité et de l’obligation de loger en caserne qu’il impose. La concession de logement par nécessité absolue de service (CLNAS) entraîne non seulement une obligation de résidence mais également une obligation d’habiter dans une caserne à côté de son lieu de travail entraînant de fait une obligation de disponibilité. Sans ce régime dérogatoire, les unités de gendarmerie ne pourraient pas fonctionner en respectant la continuité du service public et le maintien du maillage territorial. Le règlement de discipline générale qui s’applique à tous les militaires dicte les règles et principes élémentaires devant conduire l’action de chacun en temps de paix comme en temps de crise.
Un investissement profitable et incontournable.
La richesse humaine de la gendarmerie en fait un acteur incontournable mais il lui faut aborder avec une autre approche l’appropriation des 95% du territoire français lui incombant.
Plus que jamais une « force humaine ».
Lorsqu’au début des années 1990, et dans la continuité d’une démarche humaniste, la gendarmerie fit de l’aphorisme “ gendarmerie, une force humaine ” son slogan, son intention était d’être reconnue comme telle par ses concitoyens. Se réclamant proche de la population, la gendarmerie doit l’être également des réalités. Plus que jamais, le gendarme doit développer le sens du contact, de l’observation, de l’écoute et de l’échange pour satisfaire les exigences de ses nouvelles missions. Face aux nouvelles menaces, il faut observer avec un œil neuf. De surcroît, la constitution d’une dimension collective et constructive est essentielle aux acteurs de l’intelligence territoriale.
En conséquence, la réussite dans le domaine de l’intelligence territoriale réclame une mobilisation des énergies autour des nouvelles formes de criminalité. C’est une démarche constructive de pédagogie active destinée aux personnels de terrain qui est nécessaire pour les intéresser aux nouvelles menaces (revenir aux fondamentaux de la surveillance générale pour lutter contre les différentes formes d’extrémismes…). Le renseignement doit s’échanger, l’information doit circuler, il faut développer une capacité d’anticipation. Il est nécessaire de s’impliquer dans tous les réseaux d’acteurs (individus, entreprises, organisations…) de l’intelligence territoriale. Le facteur humain est donc au cœur de la réussite.
Des conséquences bénéfiques.
Inscrite dans une stratégie d’influence au service de l’intérêt national et dans une logique de sécurisation passive d’une société exposée à des menaces multiformes, l’action de la gendarmerie ne sera pas sans entraîner des effets bénéfiques pour l’institution.
Tout d’abord, le contact avec le monde de l’entreprise favorisera la reconversion des cadres dans la sphère privée. Ces cadres constitueront alors autant de relais pour la gendarmerie. Le développement du concept de réserve-citoyenne au profit des chefs d’entreprise et des cadres supérieurs permettra de rapprocher le cadre de cette force militaire de sécurité.
Ensuite, les échanges créés avec les partenaires institutionnels et privés permettront à la gendarmerie d’améliorer sa position dans un environnement concurrentiel – les autre acteurs de la sécurité intérieure - tout en acquérant une meilleure connaissance des problématiques de l’environnement au sein duquel elle sera immanquablement amenée à évoluer dans les années à venir.
Enfin et surtout, l’implication dans l’intelligence territoriale offre une source d’informations indispensable aux décideurs de la gendarmerie pour l’élaboration et la mise en œuvre d’une meilleure stratégie générale de lutte contre l’insécurité et les nouvelles formes de criminalité.
*******
***
*
La sécurité d'un territoire est un argument en faveur de son attractivité et de sa compétitivité. La gendarmerie doit poursuivre la modernisation de son action, commencée avec la mise en oeuvre des communautés de brigade.
L’intelligence territoriale constitue un outil privilégié pour notre institution. Elle lui permettra de reconsidérer son action dans un nouvel environnement et de motiver ses personnels dans la lutte contre les nouvelles criminalités par une appropriation originale, et sans surcroît de travail, de leur territoire.
Rédigé par : FOHRER | 05 décembre 2007 à 08:07