Un filet issu des portraits de L'Humanité a retenu mon attention. Plus particulièrement dans ceux dédiés à la solidarité, celui d'une ancienne consultante en intelligence économique dans le privé qui a soudainement décidé de couper court pour prêter main-forte au Secours populaire : "Mon job était intéressant mais aux antipodes de mes aspirations éthiques. Bosser pour ces gens-là, c’était faire partie du problème.» S'il serait intéressant que cette personne s'exprime sur ce "problème" (Estelle si vous me lisez ...), je voudrais revenir sur l'intelligence économique et l'éthique.
Certes l'association de ces deux termes a déjà été traitée ici ou là ; Elle fait même l'objet d'un(e ébauche d')article sur Wikipédia, initié par un anonyme montpelliérain. La Fédération des Professionnels de l'Intelligence Economique (FéPIE) a rédigé une charte d'éthique. Plusieurs cabinets (nous compris) ont publié la leur et ont inspirée celle de la FéPIE. C'est le cas notamment d'Egidéria qui a mis en ligne un vademecum éthique de l'intelligence économique (avant que la FéPIE ne soit créée) avec ce qu'il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire face à une situation litigieuse. Si certains pourraient réagir que ce cabinet joue sur les mots, il a au moins le mérite de clarifier la situation et de s'engager par écrit.
Comme nous le voyons, beaucoup de choses ont été écrites sur l'éthique dans notre profession ; Ce qui prouve peut être la nécessité d'une profonde réflexion sur le sujet pour les personnes qui travaillent dans ce milieu. Alors, pour apporter ma modeste pierre à l'édifice, je voudrais, non pas réécrire ce qui a déjà été écrit, mais porter simplement mon témoignage.
Gérant et consultant d'une entreprises spécialisée dans la recherche d'information, la veille et l'intelligence économique, je suis parfaitement en cohérence avec mes aspirations éthiques. Gérant d'une agence en communication d'influence, je le suis tout autant. Pour ma part, mes aspirations éthiques sont appuyées sur la Doctrine Sociale de l'Eglise*. Cette doctrine détermine des principes fondamentaux comme la destination universelle des biens, l’égalité humaine, le principe du bien commun, la dignité de la personne humaine, le respect de la vie humaine, la société organique, les principes d'association, de participation, de solidarité, de gérance, de subsidiarité ou encore de l'option préférentielle pour les pauvres et les personnes vulnérables. Si ces termes sont communs dans le monde social, ils le sont moins dans le monde économique ... Pourtant, il est possible de leur donner du sens dans notre monde économique, même en faisant de l'intelligence économique ou de l'influence. Je dois avouer que pour ma part, réfléchir sur les textes de cette doctrine avec d'autres m'aide à les appliquer.
J'ai donc personnellement choisi la Foi pour déterminer mes aspirations éthiques et j'invite régulièrement les étudiants ou stagiaires qui suivent mes formations à s'arrêter sur ce point pour fixer eux mêmes, selon leurs valeurs, leurs limites éthiques ou déontologiques : Jusqu'où je vais ? Qu'est ce que je fais ? Qu'est ce que je ne fais pas ? Il faut avouer que les métiers de l'intelligence économique et de l'influence peuvent prêter à quelques dérapages dont la presse se fait largement l'écho, généralisant malheureusement souvent à l'ensemble de la profession.
Concrètement dans mon métier de collecte d'information cela se traduit par un maximum de vérité et de translucidité. Je préfère le terme de translucidité à celui de transparence. Je le trouve plus honnête ! En colorimétrie, un matériau est opaque s'il ne permet pas le passage des rayons lumineux, ne laissant rien percevoir ; Un matériau transparent permet le passage des rayons lumineux ; Enfin, un matériau translucide laisse passer les rayons lumineux tout en diffusant la plupart de ces rayons. Ainsi il permet de distinguer sans voir parfaitement. Notre société nous invite constamment à plus de transparence, sans donner forcément les clés de lecture pour les informations révélées, ni la réciprocité de cette transparence. Notre métier devrait, à mon sens, sensibiliser à plus de translucidité ; Tout ne mérite pas d'être su, tout le monde n'a pas le besoin, ni le "droit d'en connaître" cher aux militaires. En tout cas certainement pas à plus d'opacité.
Concernant la vérité, il s'agit donc de ne pas se faire passer pour quelqu'un d'autre, ne pas mentir sur son identité, etc. En terme de productivité, je dois avouer que cela est beaucoup plus efficace ! "Demandez, vous obtiendrez ; cherchez, vous trouverez ; frappez, la porte vous sera ouverte. Celui qui demande reçoit ; celui qui cherche trouve ; et pour celui qui frappe, la porte s’ouvre." ;-)
J'ai rédigé pour ma société Troover un code de déontologie ; Ainsi, tous nos consultants s'engagent à respecter les principes évidents de confidentialité et de neutralité, travaillant toujours dans l'intérêt de notre client et refusant donc de travailler simultanément et sur les mêmes dossiers pour des entités concurrentes.
Bref, dans l'intelligence économique et l'influence comme dans tout métier, il est possible, je pense, de le faire en accord avec son éthique. D'ailleurs une profession n'est pas "éthique" ou "pas éthique". Ce sont les hommes et les femmes qui la composent qui le sont ou ne le sont pas. Il ne tient donc qu'à nous, professionnels de l'IE, de mettre de l'éthique et de la déontologie, et de l'appliquer, si nous jugeons que ce milieu n'en n'a pas assez.
François JEANNE-BEYLOT
* : la Doctrine Sociale de l'Eglise est le position de l'Église catholique romaine en matière économique et sociale notamment résumé dans le Compendium de la doctrine sociale de l'Église, élaboré à la demande du Pape Jean-Paul II, pour exposer de manière synthétique, mais exhaustive, l'enseignement social de l'Église. Cette doctrine est fondée sur un certains nombres de textes depuis l'encyclique Rerum Novarum du pape Léon XIII en 1891, jusqu'à celle de Benoît XVI (2009), Caritas in Veritate, qui porte une attention nouvelle aux questions économiques, sociales et environnementales, dans le contexte de la mondialisation et de la crise financière récente.
Un contribution à la démarche
http://www.lyon-ethique.org/IMG/pdf/intelligenceecofrezal.pdf
Rédigé par : JC FREZAL | 27 février 2011 à 08:33