L'actualité récente attire les journalistes sur les sujets de l'espionnage et de l'intelligence économique. Ainsi, l'Ecole de Guerre Economique est notamment mise sur le devant de la scène. Pour ma part, j'y ai croisé les journalistes de RTBF, France Soir, Canal Plus, RTL pour répondre à leurs questions.
Mais je ne peux que regretter, encore une fois, qu'ils ne soient attirés plus par l'espionnite que par l'intelligence économique. Ainsi, un journaliste me demandait au sujet de l'EGE : "alors ici on forme des expions ?". Un autre répondait à Christian Harbulot expliquant sur Radio Classique que nous enseignons à l'EGE en nous contenant aux sources ouvertes : "mais cela ça ne suffit pas pour assurer une veritable surveillance, une veille stratégique pour les entreprises" ... A lire enfin sur le sujet l'article de 20 minutes : "Toutes les astuces des entreprises pour espionner leurs concurrents" (sans se soucier cette fois-ci de la légalité !)
Je voulais donc revenir avec vous ici sur un premier point en marge de cette affaire : l'intelligence économique entre-t-elle dans les activités d'espionnage ? Selon le Larousse, "l'action d'espionner, d'épier quelqu'un ou un groupe, implique une surveillance secrète et désobligeante" ; Un espion dans sa première acception est à la solde, au profit d'une puissance étrangère. Certes, aujourd'hui, le terme est aussi employé lorsqu'il s'agit de servir l'intérêt d'autrui, voire son propre intéret, sans penser, toujours, aux agents secrets et aux militaires. Mais le terme reste toutefois associé dans l'esprit collectif à la notion peu flatteuse en France, de barbouzerie et d'affaires d'Etat. Celui de détective est quant à lui préféré dans les entreprises et affaires privées, voire de moeurs. Dans cette notion d'espionnage qu'il soit privé ou public est donc associé à une connotation franco-française très négative, "désobligeante". Dans d'autres cultures l'approche du renseignement est plus positive. Alors certes, les praticiens Français de l'intelligence économique ne souhaitent pas porter cette image négative et désobligeante et ne revendique pas le terme d'espionnage.
Il va sans dire (mais c'est quand même mieux en l'écrivant !) que les activités d'intelligence économique se confinent à ce que permet la loi ; Celles de l'espionnage (d'Etat) se permettent parfois quelques écarts ...
Alors au risque de décevoir certains journalistes, et peut-être quelques personnes qui chercheraient dans la pratique de l'IE ce coté grisant ... l'intelligence économique n'est pas de l'espionnage ; il s'agit plus simplement de l'ensemble des activités légales et coordonnées de collecte, de traitement et de diffusion de l'information utile au décideur économique ; et c'est déjà tout un programme ! Rappelons enfin que le mot intelligence provient de l'anglais, mais que dans la langue de Shakespeare, intelligence signifie renseignement. Je me plais alors à dire que l'intelligence du praticien en IE doit se situer entre son acception française ("aptitude d'un être humain à s'adapter à une situation, à choisir des moyens d'action en fonction des circonstances" ; "qualité de quelqu'un qui manifeste dans un domaine donné un souci de comprendre, de réfléchir, de connaître et qui adapte facilement son comportement à ces finalités") et britannique (renseignement).
A suivre prochainement un deuxième point pour répondre à la question suivante : se contenir aux sources ouvertes suffit-il pour assurer une veritable surveillance, une veille stratégique pour les entreprises ?
François JEANNE-BEYLOT
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